La peur du viol des autres.

Je suis une grande angoissée. Et déjà lors de ma première année d’études supérieures, j’avais acquis cette vigilance. Une sorte d’alerte constante au cas où un, ou plutôt une, de mes voisines se ferait agresser, tout près – afin d’intervenir au besoin. Je pense que cela vient aussi bien de ma nature très peu… zen, mais aussi du fait que je me retrouvais dans un immeuble. Et oui, en quittant une maison isolée pour atterrir dans un lieu de vie aussi mal insonorisé, j’avais développé une crainte de mal interpréter – de minimiser et de finir par faire totalement abstraction de – la multitude de bruits, craquements, cris que j’entendais à longueur de journée – ou plutôt de nuit.

J’ai déménagé. Moins de parasitage de la part de mes nouveaux voisins, mais davantage des enfants jouant dans la cour de l’école primaire d’à côté. La vigilance s’est évanouie.

Puis j’ai été violée.

La vigilance est réapparue, n’en étant plus vraiment une. C’était de la peur à l’état pur. De lui, surtout. Des autres qui lui ressemblaient aussi.

Quand je rentrais chez moi, enfermée à double tour au 4ème étage, avec de quoi me défendre, je me sentais plus ou moins à l’abri. Mais toujours, quand le soir ou la nuit, j’entends des éclats de voix montant de la rue, en-bas, j’ai peur. Peur d’une catastrophe. Peur d’une agression. Peur d’un viol. Peur de ne pas intervenir et aider la victime.

Et je me précipite à ma fenêtre, inspecte chaque recoin que mes yeux peuvent atteindre. Je tremble. J’espère que ce n’est pas grave, que ce ne sont que des jeunes sensiblement alcoolisés, mais inoffensifs. Je ne vois rien d’alarmant. Je retourne à mes activités, essaie de me concentrer sur autre chose.

Pourtant, c’est plus fort que moi ; je n’arrête pas de me dire que, pas très loin, c’est bel et bien en train d’arriver. Selon les estimations, en France, une femme est violée toutes les 7-8 minutes, victimes auxquelles s’ajoutent les hommes. Un jour, je suis forcément passée pas loin. Peut-être même très près, sans rien faire. Sans même le savoir.

Photo.

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3 Commentaires

  1. Tellement triste à lire, mais malheureusement tellement compréhensible. J’espère vraiment que tu finiras par te défaire de cette angoisse. As-tu déjà songé à en parler ? Parfois, certains traumatismes sont beaucoup trop gros pour réussir à les laisser derrière nous, par nous-même. Ne laisse pas tout ça te bouffer, même si c’est tellement simple à dire, et moins à faire. Ne laisse pas gagner cette ordure. Je suis tellement en colère contre lui, et tellement peinée pour toi. Parce que je ne peux rien faire derrière mon écran.
    Courage à toi <3.

    1. Merci, c’est vraiment adorable de ta part.
      Oui, j’en ai parlé quand j’ai porté plainte, puis pendant la confrontation et lors de l’expertise psychiatrique. Mais ça n’a eu aucun effet positif sur moi. Au contraire même. L’expertise psychiatrique, surtout, a été un traumatisme en soi. Finalement, j’ai réussi à me tourner vers une thérapie « muette » qui, contre toute attente, semble m’avoir un peu aidée à libérer la parole. On verra bien ce que ça donne, mais c’est vrai que raconter ce qu’il s’est passé chronologiquement est bien plus dur que d’évoquer des morceaux, des détails. Et ce, seulement avec certains proches qui sont au courant.
      Par contre, je vois ma thérapeute dans une semaine, et c’est vrai qu’il faudrait vraiment que je lui parle de ce besoin de protéger les autres. C’est invivable. À vrai dire, j’ai même pensé à partir en Syrie pour aider à libérer les esclaves sexuelles de Daesh, c’est dire…
      En tous cas, je t’embrasse fort 🙂

      1. Oui, je comprends. Raconter ce qui s’est passé peut faire revivre le traumatisme, ce n’est pas une méthode qui convient à tout le monde. Oui, profites en pour en parler à ta thérapeute, c’est important ! C’est déjà dur de se protéger soi même, alors si tu es en alerte pour tout le monde, malheureusement, ça risque d’être de plus en plus dur à vivre.
        J’espère que tu trouveras une solution, je t’embrasse fort aussi 🙂