Récit d’un réveillon de Noël

La veille V est arrivée. 17h42. Tout ce qui a pu être préparé à l’avance l’a été. La table est presque prête, quelques adultes s’y affairent encore. Les enfants sont quant à eux, devant la télé – peut-être est-ce un film de Noël, je n’entends pas bien -, à l’exception d’un. Cousin n°2 est assis derrière moi, avec une BD entre les mains. Moi… Je travaille sur un devoir d’histoire. Enfin… « travailler » ne me semble pas être le terme le plus approprié, ce n’est jamais que la biographie d’Henry VIII. Ce serait davantage une pause de Noël que je m’offre, au milieu de révisions quelque peu usantes.

17h51. Ma grand-mère vient me glisser qu’il n’y a pas assez de place sur la table pour y poser la fameuse assiette du pauvre. Nous sommes déjà 11 à table, dans une pièce bien petite pour nous tous. Mais j’y tiens à cette assiette ; j’imagine que j’y projette celle de Papa, pour le premier Noël qu’il passera sous terre – mais au moins, je lui ai trouvé un petit sapin pour sa tombe. Et cette assiette, vide, sera placée juste à côté, sur le buffet – très peu décoré, sans crèche, sans santons – au moins, la symbolique du plat l’égayera peut-être.

Sapin

J’avance difficilement, la concentration me fait défaut. C’est le réveillon et je n’ai pas vraiment la tête à cela. C’est un simple moyen de m’occuper en attendant le repas, prévu à 21h30. Et comme à chaque fête, j’ai besoin de me sentir connectée au monde. En cela, l’ambiance des messes de Noël de mon enfance me manque terriblement. Pas le fond dogmatique du discours religieux, mais les sourires et les chants… Alors j’essaie de compenser en traînant sur les réseaux sociaux, mais tout cela me paraît bien fade en comparaison de mes vieux souvenirs.

Et encore de longues minutes passées sur mon devoir… Cousin n°2 a migré vers Cousin n°1, désormais calé devant l’ordinateur portable de ses parents. Le petit dernier, lui, est toujours devant la télé, tandis que les adultes s’occupent et patientent comme ils peuvent. L’attente a l’air bien longue pour tout le monde, à vrai dire. Puis je mets fin à toute lutte intellectuelle. 20h16.

Table

L’odeur des noix de Saint-Jacques au curry embaume déjà toute la maison, désormais plus calme. La télé est éteinte, et je vais m’isoler dans une chambre. J’ai besoin d’une pause, de me ressourcer un peu avant le repas. Trop de monde, trop de bruits, trop d’odeurs à venir. Mon esprit vagabonde, dans les maisons des autres. Que fait Bidule ? Et Machin ? Et voilà que je pense à lui. Mouais, ce n’était peut-être pas la meilleure des idées, de me vider l’esprit. Il s’est rempli de mauvaises ondes.

Pour chasser ces idées sombres, je m’enferme dans la salle de bains pour me préparer. Seulement pour le maquillage – j’ai déjà enfilé ma tenue. Je n’ai pas l’habitude de me peindre le visage ; je n’apprécie pas cette impression de masque collé à la peau ni la perte de temps que cela représente dans une journée déjà trop courte. Mais pour l’occasion, j’ai décidé de faire un effort. Pas très douée, je fais léger, le strict minimum. Assez fière du résultat, je me dis que je pourrais quand même m’atteler à cette tâche plus souvent – ce n’est tout de même pas la mort -, bien que je sache pertinemment que le naturel revient toujours au galop, et que j’abandonnerai l’idée bien assez vite.

Nems

21h32. Ma mère, son copain et mon frère arrivent. Les enfants se retrouvent dans de grandes effusions sonores, les adultes discutent un peu, tandis que mon grand-père réchauffe les nems au crabe dans une poêle. Puis nous passons rapidement à table. Le bal des senteurs continue avec celle du muscat versé au fond des flûtes. Puis les entrées défilent. Soupe chinoise et nems au seitan faits maison pour moi. Et avant même de passer aux plats principaux, le copain de ma mère a déjà lancé la fameuse anecdote soi-disant savante du Père Noël rouge de Coca-Cola. Je m’applique à le corriger : le Père Noël était déjà rouge à la fin du 19ème siècle. Mais non, il ne veut rien entendre ; il a forcément raison : « C’est la faute à Coca, et même que le Père Noël était vert avant, parce que c’était un druide. » Irritant, comme d’habitude. Je zappe et retourne aider en cuisine.

Soupe

Tandis que les autres enchaînent porc aux champignons et aux pousses de bambou, poulet aux cacahuètes et le fameux cari aux noix de Saint-Jacques, mon bol ne se remplit que de riz et de légumes sautés. À ma droite, Cousin n°2 a finalement réquisitionné les baguettes du M. Coca et tente de manger avec ; ça me rappelle de bons souvenirs, de le voir galérer avec ces deux bâtonnets de laque. Moi aussi, je suis passée par cette case-là quand j’étais petite, et que je parvenais encore à saisir la magie de Noël.

Mais voilà que Cousin n°3 commence à piquer du nez dans son assiette. Bien que ce soit la première année où il est au courant de l’imposture universelle de ce cher Papa Noël, la fatigue prend tout de même le dessus et le petit dernier va se coucher en premier. Cousin n°2 ne le suivra pas de très loin.

C’est l’heure du dessert. Si la bûche est trop rapidement dégustée à mon goût, les 13 desserts qui suivent permettent de varier les saveurs. Chez moi, la liste n’est pas réellement respectée – ma grand-mère s’assure simplement que le compte soit bon -, mais entre fruits secs, fruits frais et chocolats, tout le monde y trouve toujours son bonheur.

00h02. Première vague de cadeaux, au cours de laquelle ma mère m’offre une paire de boucles d’oreilles en or et en ambre baltique. Ce sera la seule surprise pour moi cette année. Le reste de mes cadeaux se glisse dans une enveloppe.

Puis ma mère, mon frère et M. Coca rentrent chez eux, tandis que Cousin n°1 va se coucher à son tour. 01h12. Je souffle les bougies encore allumées sur la table de la salle à manger.

Je ne sais plus quelle heure il est. Deuxième vague de cadeaux, pour les adultes encore présents – la magie de Noël se cache encore dans l’un des paquets… Et elle viendra jeter mes petits cousins de leur lit dès demain matin.

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Votre réveillon de Noël s’est-il bien passé ? Avez-vous reçu de beaux cadeaux ?

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NB : Je rappelle que toutes les photos m’appartiennent et que je n’en autorise aucune utilisation par autrui.

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2 Commentaires

  1. J’ai adoré ce récit, très sincèrement. Ce désenchantement de Noël, je le partage avec toi. Je pense ressentir la même solitude que toi pendant cette fête que j’adoooore plus que tout et que les autres ne semblent pas aptes à célébrer comme il se doit. <3

    1. Merci à toi. J’ai l’impression qu’on est plutôt nombreux.ses à se sentir comme cela vis-à-vis des fêtes de fin d’année. Pour le coup, je pense à passer Noël dans une association cette année, avec des personnes précaires, seules, etc. – j’ose espérer que ce sera plus chaleureux, que l’esprit de communauté y sera davantage présent 🙂