Encore un avis de passage…
Comme tous les lundis, je suis allée en cours. J’ai suivi comme j’ai pu. J’ai la tête ailleurs en ce moment, dans le partiel de demain matin. Puis je suis rentrée et, assez machinalement, j’ai jeté un rapide coup d’œil dans ma boîte aux lettres. Ça fait quelques semaines qu’elle ne me fait plus aussi peur. Tout ce qu’on peut y trouver, ce sont des publicités ou des factures. Rien de bien méchant, rien qui ne sorte de l’ordinaire. Mais aujourd’hui, caché sous un fascicule publicitaire, j’y ai aussi trouvé un avis de passage. Angoisse.
Quoi ? Qui ? Comment ? Pourquoi ? Tribunal ?
Oui, tribunal. Forcément. Mais… pourquoi ? S’est-il passé quelque chose ? Et là, c’est le pire qui me vient à l’esprit. Qu’il soit mort. Ce serait la fin de tout, qu’il ne paye jamais. Rien ne peut compenser, ni guérir, mais je veux qu’il fasse un bon séjour derrière les barreaux, même si celui-ci n’est pas assez long à mon goût (peut-il vraiment l’être ?). Je veux qu’il y aille et qu’il y souffre. Autant que possible. Par principe, je ne peux pas cautionner le système hiérarchique carcéral, ni ce qui peut être infligé aux pointeurs – par pur esprit de vengeance personnelle, je veux qu’il subisse cette torture, tous les jours, pendant très longtemps, puis qu’il en crève – seul. Peut-être bien même que j’en ai besoin. J’ai besoin de le voir cassé, piétiné, éventré. Nié. Tout comme il m’a réduite au rien.
Rentrée chez moi, j’ai posé mes affaires de cours sur mon lit, ai essayé de me rassurer avant de partir pour la poste. Il est vieux, il a des soucis de santé, certes. Mais ce n’est rien de grave, rien qui puisse lui être fatal… Et s’il avait eu un accident ?! Seigneur, non… Arrête de penser à ça. Il est vivant. Vivant ; et il paiera. Parce qu’il doit payer. Sinon, c’est moi qui sombrerai une énième fois. Injustice. Et puis, si ça se trouve, ce n’est même pas un courrier du tribunal, hein…
Le trajet vers la poste ne m’avait jamais paru aussi long. Pourtant, je suis allée en chercher des courriers là-bas. Celui-là a été infini, le retour aussi. Chaque pas me semblait plus lourd que le précédent. Seulement, sur le chemin du retour, l’angoisse était partie, avait laissé place à la résignation. Il est mort, point.
Avant de rentrer dans mon appartement, j’ai fait un détour par le bureau du gérant de ma résidence. Cela fait quelques jours que j’attends un colis. Une banale commande, quelques produits de chez l’Occitane – pour me consoler d’être passée à côté de leur calendrier de l’avent. Il a dû arriver vendredi dernier, mais je n’ai pu aller le récupérer qu’aujourd’hui. Je l’ai calé sous mon bras, me le réservant comme tentative désespérée de consolation d’après-lecture.
Je suis rentrée dans mon studio, ai refermé la porte derrière moi. J’ai posé mon sac à main, mon colis, ai ouvert l’enveloppe. C’était la reproduction presque exacte du dernier courrier. Celui de septembre.
Rien de nouveau. Il rôde encore.